La consommation et le gaspillage ont une fonction sociale, selon le sociologue, historien et économiste, Thorstein Veblen qui a même donné son nom à l’effet paradoxal observé quand la consommation augmente parfois avec le prix des produits.
Veblen a étudié la très haute bourgeoisie nord-américaine de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Dans un ouvrage publié en 1899 et intitulé, Théorie de la classe de loisir, le sociologue rend compte des gaspillages en temps et en biens de cette élite économique. Il en déduit que les individus font un "usage ostentatoire" de la consommation, destiné à afficher un statut social aux yeux d’autrui.
Cette consommation ostentatoire, c’est-à-dire qui vise un objectif de distinction ou de différenciation sociale, revêt plusieurs dimensions importantes : elle tend à afficher une capacité à dépenser sans compter. Mais aussi une capacité à gérer son temps. Le fait de passer du temps à table, de profiter d’œuvres culturelles ou de soigner son apparence suggère ainsi le fait de pouvoir jouir de temps libre. Veblen désignait d’ailleurs la bourgeoisie nord-américaine comme une classe oisive, non pas au sens de paresseuse, mais qui peut se consacrer au loisir. Cette "consommation improductive du temps" selon ses propres termes représente alors un vrai luxe auquel n’a pas accès la majorité de la population occupée à travailler pour satisfaire ses besoins fondamentaux.
Parmi les occupations et centres d’intérêts, il recense ainsi par exemple "la connaissance des langues mortes et des sciences occultes, de l'orthographe, de la syntaxe et de la prosodie, des divers genres de musique d'intérieur et autres arts domestiques, des dernières particularités de l'habillement, de l'ameublement, de l'équipement, des jeux, des sports, des animaux d'agrément, tels que chiens et chevaux de course". Dans ce contexte, même les épouses se voient attribuer un rôle en quelque sorte "décoratif" avec des vêtements, des parures et des bijoux visant à afficher la fortune de leurs maris.
Cette consommation ostentatoire est d’ailleurs à l’origine d’un paradoxe économique appelé parfois l’effet Veblen ou encore effet de snobisme. Pour une catégorie des biens dont la consommation est le reflet d’une certaine distinction sociale, la demande augmente avec la hausse des prix. Et par ailleurs, la consommation augmente plus vite que le revenu disponible des consommateurs. Cela peut être le cas pour des objets comme des montres ou des stylos de luxe, certaines voitures ou encore des œuvres d’art.